24 janvier 2022

Moi aussi, j’ai vu
Don’t Look Up

Écrit par Juliette Sananes

Le temps d’un expresso

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Moi aussi, j’ai vu Don’t Look Up. J’ai vu Jennifer Lawrence et Leonardo Di Caprio se rendre compte qu’une comète s’apprêtait à pulvériser la Terre, si rien n’était fait pour dévier sa trajectoire. J’ai vu et noté les similarités avec notre réalité, lorsqu’ils essayent de se faire entendre médiatiquement, lorsque tous leur rient au nez, lorsque la Présidente des États-Unis s’empare du sujet comme seule manière d’assurer sa réélection, lorsque le président de Bash (l’équivalent d’Amazon ou d’Apple dans le film) voit dans la comète une opportunité d’en extraire des métaux rares pour devenir encore plus riche que ce qu’il n’est déjà, et lorsqu’il réussit à imposer cette vision jusqu’au plus haut sommet de l’État pour faire passer ses intérêts avant ceux de 7 milliards d’êtres humains. Et j’ai espéré, surtout, ne pas y voir une potentielle porte de sortie, lorsque lui et la Présidente des États-Unis abandonnent lâchement la Terre condamnée pour prendre une navette spéciale pour les emmener sur une nouvelle planète, simulacre du Jardin d’Éden.

 

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Une fois le film terminé, le même sentiment que j’ai eu à la fin d’un épisode de Black Mirror s’est emparé de moi. Un mélange de peur et de fatalité, quand fiction et réalité se confondent si bien qu’on est obligé de s’en rendre compte. Black Mirror, c’est la série qui devient réalité. Don’t Look Up, c’est l’inverse. Surtout quand on voit, quelques jours seulement après la sortie du film, les réactions à l’intervention de Salomé Saqué dans l’émission 28 minutes d’Arte, dans la vraie vie.

 

 

La journaliste y parle de l’urgence climatique. Malheureusement, rien de neuf. Énièmes chiffres qui montrent que l’humanité va mal, énièmes conclusions du GIEC, énièmes images de la fonte des glaces et des feux de forêt causés par des sécheresses sans précédent. On pourrait penser qu’en 2022, l’heure serait enfin à trouver des solutions. Plutôt que de pratiquer l’art de la polémique et de la punchline, on pourrait profiter d’être réunis avec des gens compétents pour tenter de prendre le problème à bras le corps. Naïf. Utopique. Les échanges que j’espérais passionnants sur la manière de compenser énergies vertes et nucléaire, de penser des bouteilles d’eau à emballage comestible ou de créer des plantes d’intérieur sur lesquelles pousseraient du tofu ont laissé place aux ricanements, à la moquerie et à un grand sentiment de solitude.

 

 
 
 
 
 
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Netflix a su cristalliser notre parfait ressenti vis-à-vis de l’inaction climatique. La preuve, Twitter n’a cessé de retweeter, liker, partager lorsque le #DontLookUp a été utilisé pour relayer cette intervention. Le point commun entre ces contenus est aussi simple que tragique : notre maison brûle et nous regardons ailleurs.

Nous sommes les extrêmes qui n’accepterons aucun compromis, des hystériques de la protection de l’environnement pour qui rien ne sera jamais assez

« Don’t Look Up c’est le cri de ralliement de ma génération que j’attendais tant »

 

Don’t Look Up symbolise l’idée de ne pas regarder là où il faut. De conserver notre routine, trop confortable pour être bousculée. De savoir qu’il faudrait changer tout en faisant comme si nous ne le savions pas. D’être dans le déni. De sentir la fatalité nous frapper de plein fouet avant même d’avoir essayé.

 

Par tout ce qu’elle implique, cette formule traduit des paradoxes concrets du quotidien pour nous, la génération Z, qui agissons pour le climat. Qui n’avons pas (plus) d’autre choix que d’agir pour le climat. Quand je rince scrupuleusement mes boîtes de conserves avant de les mettre dans la poubelle jaune alors que des entreprises continuent de cacher du plastique dans leurs emballages dits recyclables. Quand je fais le choix d’acheter des gâteaux plus chers chez Naturalia, alors que Ferrero continue à détruire la biodiversité avec sa production d’huile de palme. Quand je réfléchis une semaine avant de faire un achat de seconde main alors que Zara continue de produire 10 000 jeans à la minute. Quand je frotte avec du savon noir et du vinaigre alors que Destop continue de tuer nos océans.

 

Pour les moins engagés qui préfèrent critiquer plutôt qu’agir, cette formulation aussi est appropriée. « Protéger la planète oui, mais faire pipi dans la douche, peut-être pas non plus ? » Nous sommes les extrêmes qui n’accepterons aucun compromis, des hystériques de la protection de l’environnement pour qui rien ne sera jamais assez. Pour eux, c’est nous qui ne voyons les choses sous aucun autre angle que tout noir ou tout blanc.

 

La force de Don’t Look Up est de résumer avec ces trois tout petits mots tout notre ressenti. Chaque nouveau rapport du GIEC, chaque nouveau phénomène météorologique, chaque nouveau record de température est une nouvelle impression d’échec. Alors j’étais lassée d’agir parce qu’à quoi bon. Mais la force de Don’t Look Up c’est aussi de m’avoir redonné du souffle pour repartir de plus belle. Parce qu’on se sent enfin compris. De ce sentiment de compréhension est né un nouveau sentiment de fraternité, une nouvelle envie d’avancer, un nouvel espoir qu’ensemble, les choses peuvent enfin changer. Don’t Look Up c’est le cri de ralliement de ma génération que j’attendais tant.

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Juliette Sananes

Photos par

Netflix ©

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