Les Açores, voyage au milieu de l’Atlantique
Écrit par Juliette Mantelet
Le temps d’un allongé
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Les Açores, îles perdues posées au milieu de l’Atlantique. Quelque part entre Lisbonne et l’Amérique. Un nom devenu mythique pour moi, que j’ignorais encore complètement deux semaines avant mon départ, la première fois.
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Je crois que ce qui a donné à ce voyage un goût si particulier, c’est justement cet inconnu dans lequel j’ai plongé sans aucune connaissance préalable, sans anticipation, sans même d’images à superposer aux noms découverts en vol dans un guide acheté à l’aéroport. Pas de listes en tête des lieux à voir absolument sous peine de voyage raté, pas de photos ultra retouchées croisées sur les réseaux et qui me rendront bien fade la réalité sur le terrain.
Mais plutôt l’impression puissante d’avoir trouvé ma place, au milieu de l’Océan.
Quand j’y suis retournée une deuxième fois, c’était comme rentrer enfin à la maison après un long voyage. Moi qui ait une fâcheuse tendance à prévoir chaque journée à l’avance dans les moindres détails, à les imaginer en boucle dans ma tête, à être bouleversée si un élément diffère du programme établi, aux Açores, bien obligée de lâcher prise. Impossible avec ce climat qui change à toute vitesse de prévoir ce qu’on va faire le lendemain. On verra bien. S’il fait beau, on aura une bonne surprise. Sinon, on improvisera. Me voilà contrainte par les éléments, bien plus puissants que mon cerveau et ses ruminations pourtant tenaces, à être spontanée, à laisser venir. Disparus les inventaires dans ma tête ! C’est le seul lieu au monde où j’y parviens si bien. Et c’est sûrement pour ça que je m’y plais tant.
Ces îles m’apaisent, me soustraient à mon dialogue intérieur.
Je dois avouer qu’avant de vous en parler, j’ai longuement hésité, habitée par une envie irrésistible et égoïste de garder pour moi ce paradis vert encore préservé du tourisme de masse. Et puis, en ces temps de confinement et d’enfermement, je me suis dit qu’au contraire c’était le bon moment pour pencher sur la toile mes souvenirs et vous offrir un dépaysement immense, et pourtant statique. Ouvrir nos horizons vers cet endroit où tout est aventure. Une fois que vous aurez posé les pieds sur ces îles mythiques, virtuellement ou pour de bon, vous chercherez par tous les moyens à les regagner. Je cite les mots de Raul Brandao, écrivain et journaliste de Porto, qui conta lui aussi sa fascination face à ces « îles inconnues » pour me sentir moins seule illuminée :
« Here end the words,
here ends the world ».
Et me voilà pourtant en train de chercher des mots pour vous faire vivre ces îles volcaniques aux couleurs changeantes. Vous raconter les Açores, c’est vous raconter l’histoire d’un coup de foudre. Une attraction un peu surréaliste qui me pousse désormais à m’y rendre chaque année.
Comme un pèlerinage, nécessaire. Sur des terres plus vertes, où la nature ne semble pas encore avoir entendu parler de réchauffement climatique, de disparition des espèces, de déforestation…
Toutes les îles de l’archipel sont d’origine volcanique, situées à la confluence de trois plaques tectoniques, ce qui leur confère tout de suite un aspect légendaire. On se trouve littéralement sur des volcans émergés. Des éruptions et des tremblements de terre ont d’ailleurs encore eu lieu il n’y a pas si longtemps. Cratères d’anciens volcans endormis, cônes, geysers et sources chaudes constituent pour les visiteurs les traces tangibles de cette filiation volcanique. Au cours de mes recherches pour donner à ce récit un peu de chiffres et de faits, je suis tombée sur cette phrase qui résume bien ce coup de foudre inévitable avec les Açores :
« Ces îles d’une beauté inouïe ont tout : paysages volcaniques stupéfiants, forêts luxuriantes, fleurs de toute beauté, villes baroques riches d’histoire, plages superbes ».
Vous l’aurez compris, maintenant que je vous ouvre les portes de ce paradis, plus besoin de vous envoler à l’autre bout du globe.
On se pose sur l’île de São Miguel, à Pon-ta Del-ga-da (ce nom, prononcé par notre hôtesse de l’air dont le ton chantant monte et redescend tout en détachant chaque syllabe, est resté imprimé dans mes oreilles), un point minuscule sur les cartes, après deux heures de vol avec pour seul horizon le bleu de l’Océan. De ci, de là, quelques traînées blanches indiquent la présence d’un bateau, là, plusieurs centaines de mètres en-dessous de nous. On atterrit parmi les hortensias, typiques de ces îles et qui nous suivront à chaque instant. Végétation luxuriante, du vert partout. L’atterrissage est difficile, la piste minuscule. Pour accueil, des trombes d’eau, dignes d’un orage tropical, d’une nuit chaude asiatique, caractéristiques déjà de ces îles aux visages des six continents. Le ciel nous tombe sur la tête. Impossible de faire demi-tour, nous sommes littéralement au milieu de rien. Ou plutôt si, de l’Océan tumultueux auquel nous voilà livré.e.s.
Cet archipel, si vous cherchez un peu au fond de votre mémoire, vous en avez forcément déjà entendu parler, comme moi, pour son anticyclone. « Véritable bouclier contre le temps pourri en Europe occidentale », résume parfaitement Le Parisien. Et c’est bien souvent la seule réalité qu’évoque le mot Açores. Laissez-moi vous en donner ma définition…
Les Açores, c’est une météo pas toujours clémente. Il faut aimer les temps changeants, les ambiances pluvieuses, aimer jongler avec les nuages et jouer à cache-cache avec le soleil. Être toujours prêt.e à se précipiter dehors pour saisir le moindre rayon. Se lever tôt, pour éviter la brume. Rouler des kilomètres pour rejoindre un coin d’île plus ensoleillé, avant que la pluie ne tombe. Mais cette météo, aussi versatile que mes humeurs, donne du sel au voyage, on ne peut vivre que dans l’instant présent. Impossible de prévoir, de planifier. Ces îles ne sont pas propices aux voyages organisés.
C’est le cri des Cagarros, à la nuit tombée. Cet oiseau marin emblématique de l’archipel, qui ne vit qu’en plein milieu de l’Océan. Que l’on croisera aussi en mer, la journée, en partant en quête des baleines. Le soir, il se réveille, revient sur terre et tournoie autour des maisons et des lumières. La première fois, à la fin d’un dîner, ses cris nous surprennent. On s’affole, on se demande ce qui nous attaque. S’agit-il bien de cris d’oiseaux ? Ou des hyènes sont-elles en train de se moquer de nous ? Et puis, bien vite, son cri bien que peu esthétique devient la bande-son de ces nuits d’été au milieu de l’Atlantique.
Le cri des Cagarros
- Cagarros_Acores.
Des îles qui donnent à chaque couleur une définition en nature. Le vert partout et à perte de vue avec, de temps en temps, une tâche bleue ou violette amenée par les hortensias fleuris qui bordent les routes. Une nature débordante, exubérante. Par endroit, une véritable jungle. Des arrêts sur des routes désertes pour contempler le patchwork vert miroitant qui se déroule devant nos yeux. Des petites églises blanches et noires croisées au fil des chemins. Le bleu de l’Océan, présent où que l’on pose le regard, des piscines naturelles, des sources d’eau chaude, des lacs qui surgissent au milieu du vert. Le noir des pierres volcaniques et des coulées de lave qui habillent le littoral de Pico. Neuf îles. São Miguel, Santa Maria, Terceira, Pico, Faial, São Jorge, Graciosa, Flores, Corvo, et autant de continents, de voyages. Passer d’une nature verdoyante digne de l’Amazonie à des plantations de thé qui rappellent l’Inde ou les rizières de Bali. S’émerveiller des geysers dans lesquels cuisent l’étonnant pot au feu, le cozido, spécialité de Furnas, sans avoir besoin d’aller jusqu’au Yellowstone.
Des images qui restent en mémoire bien après le voyage et qui frissonnent l’Aventure dès que l’on mentionne leur nom.
Des îles mystérieuses, où l’on a longtemps chassé la baleine, sur des bateaux en bois, à la rame et au harpon. Le combat éternel de l’Homme face aux éléments. Aujourd’hui, on traque tout au long du séjour à coup de jumelles, plein d’espoir, le moindre mouvement cétacéen d’une vague prometteuse. Des îles lointaines, minuscules tâches vertes au milieu des flots immenses, où l’on s’imagine avec frayeur coincé.e.s en pleine tempête, quand aucun avion ne peut décoller pour nous ramener sur la terre ferme.
Aux Açores, l’Homme se fait plus petit. Il sait, au milieu de l’Océan, qu’il n’est plus tout puissant, que c’est à lui de s’adapter.
Aux Açores, on pourrait presque vivre en autosuffisance tant la nature est généreuse… Pot au feu cuit à la chaleur volcanique et à la saveur du soufre, eau pétillante jaillissant miraculeusement de sa source, vin aux arômes d’embruns, liqueur d’ananas sucrée, fierté locale dégustée un matin pas assez réveillé.e.s chez l’un de nos hôtes, confitures maison aux fruits exotiques et tropicaux servies au petit-déjeuner, queijo de São Jorge à la pâte dure, qui me plaît par sa résistance, Bonite pêchée du jour, au large, transformée en un Tataki resté dans les mémoires et même du thé, issu des deux seules productions d’Europe.
Neuf îles qui se goûtent avec les cinq sens, en union avec les éléments.
Je me souviens…
D’un mirage à Sete Cidades, sur l’île de Sao Miguel. Ce matin-là, c’est à 6h à peine que je me fais réveiller par mon compagnon de voyage, hyperactif et toujours sur le pont, avec cette phrase enthousiaste : « Il faut se lever et y aller, c’est maintenant qu’on pourra le voir. » Sous-entendu, après ça sera trop tard. Je râle un peu, d’abord. C’est les vacances quand même. Avant de remarquer des lueurs caractéristiques d’un lever de soleil qui vaut la peine derrière la vitre de notre chambre. Et un ciel sans nuage. On enfile maladroitement nos tenues de la veille, on s’embarque dans notre petite voiture de location, les yeux encore collés, les cheveux mal peignés, appareil photo à l’épaule. « On the spur of the moment« comme disent les américains, pour saisir notre chance.
La veille, échec total face à ce point de vue vanté et vendu sur tous les guides. Arrivé.e.s trop tard, la brume caractéristique des Açores avait déjà englouti tout le paysage. Pire que le fog anglais, on ne voyait même plus nos pieds. La déception était grande, après tout, ce lieu fait partie des immanquables, nous l’avons lu partout. Hier, nous ne pensions pas revenir sur nos pas, le programme est chargé. Ce matin, nous en donne l’opportunité, adieu itinéraire préparé. Nous avons la route pour nous, le vert à perte de vue étincelle de la rosée du matin sous le soleil. Le trajet se passe dans un éblouissement enchanteur. Nous nous garons au plus près, maintenant nous connaissons les lieux, et parcourons les quelques mètres restants au pas de course, pas envie qu’il nous échappe à nouveau. Voilà la rambarde de bois au-delà de laquelle nous ne distinguions plus rien hier. Ce matin, nous avons sous les yeux un paysage qui pour moi symbolise à lui seul la magie des Açores. C’est d’ailleurs l’un des plus connus. Au premier plan, des lacs habillent un ancien cratère, tapi dans une verdure immaculée qui se déroule à l’horizontal comme si l’on avait activé le mode panorama. Le Lagoa Verde, le Lagoa Azul… À l’arrière, l’Océan scintillant se fond avec le ciel. Nous voici, solitaires, en communion avec la Terre, le Ciel et la Mer.
C’est toute la magie des Açores qui s’exprime quand nous repartons le cœur léger, le sourire aux lèvres et des photos plein nos appareils, que nous redescendons la route virante qui amène à Sete Cidades et à ce fameux Miradouro Do Boca do Inferno. Nous remarquons une brume légère mais persistante qui commence à se lever, et à camoufler déjà les platebandes d’hortensias qui bordent les routes… Bientôt, juste après notre passage, le site sera à nouveau habité d’ombres et de nuages. Jusqu’aux prochains courageux qui l’exploreront comme nous, demain dès l’aube. Et à qui l’Univers adressera un clin d’œil de félicitation, offrant aux seul.e.s premier.ère.s visiteur.se.s de la journée un mirage, une apparition qu’ils pourront conter fièrement aux explorateur.trice.s déçu.e.s, victimes d’une météo capricieuse. Comme je l’écrirai sur une légende Instagram pour illustrer ce matin-là : « Le monde appartient à celles et ceux qui se lèvent tôt pour vivre le lever de soleil ».
Je me souviens…
De nos journées passées dans l’eau. De sources d’eau chaude en piscines naturelles (cuvettes de la côte basaltique remplies par les marées de l’océan). L’impression d’être arrivé.e.s en Amazonie à Caldeira Velha, sur l’île de São Miguel. Suivre un petit chemin au milieu d’une végétation carrément tropicale, poser devant une cascade au milieu de la jungle. Et découvrir des fumerolles bouillantes. Se baigner dans une eau sulfurée à trente degrés faciles. Choisir quelle baignoire fumante nous convient le mieux. Descendre une route pentue et vertigineuse en surplomb au-dessus de la mer, se garer, marcher sur un sol noir de lave, rejoindre Ponta da Ferraria, toujours sur São Miguel, et sa piscine naturelle délimitée seulement par des roches volcaniques aux teintes sombres. Une échelle de piscine nous tend les bras, insolite. Un fil blanc, d’habitude utilisé pour délimiter les couloirs des bassins, nous aident à nous maintenir à la surface. Nous nous baignons en octobre, seul.e.s au monde. Entre la chaleur du basalte et le froid et tempétueux Océan, ainsi protégé.e.s des vagues les plus fortes qui éclatent à quelques mètres à peine. Profiter des sources réputées de Furnas, pour digérer son pot au feu. Choisir parmi les multiples bassins de Poça da Dona Beija et se relaxer dans ces eaux ferrugineuses aux nombreux bienfaits. Sur Faial, piquer une tête dans l’eau miroitante d’une piscine naturelle avec vue sur le volcan de Capelinhos. Cette nouvelle partie d’île émergée suite à une éruption en pleine mer, en 1957.
Frissonner en imaginant la Terre remuer à nouveau sous nos brasses.
“ Nos os s’enfoncent dans les profondeurs de la mer ”
Je me souviens…
Des pierres noires de lave qui entourent et protègent les courageuses vignes de Pico. Ces vignes qui poussent entre le sel des embruns, la pluie et les roches volcaniques. Dans une terre si sombre qu’elle découragerait le moindre agriculteur. Et pourtant, nous rencontrons un matin Filipe, l’un des fondateurs de la Azores Wine Company. Qui, avec deux amis, a décidé de se lancer dans la remise en état de près de 100 hectares de l’île pour la plantation de vignes nouvelles. Il a repris le flambeau de ses vignes un temps oubliées. Autrefois mères du verdelho, un vin blanc liquoreux, servi comme apéritif à la cour du Tsar de Russie. Les premières vignes furent plantées aux Açores au 16e siècle, grâce aux colons qui amenèrent des ceps avec eux. Des tonnes de basalte furent déplacées et aménagées pour la plantation. Et dès le début du 18e siècle, plus de 15 millions de litres de vins étaient exportés depuis l’archipel. Mais les vignes du verdelho furent décimées par le phylloxéra à la fin du 19e siècle et la production, pratiquement abandonnée.
Quelle idée de vouloir produire du vin sur une telle île, au sol volcanique, au climat océanique si pluvieux ?
Tout semble s’y opposer. Et pourtant, aujourd’hui les vignes grandissent à nouveau fièrement, protégées du vent et des embruns par des murets de basalte protecteurs. Ils jouent le rôle de serre, conservent la chaleur du soleil quand il se pointe et permettent ainsi d’augmenter la teneur en sucre du raisin. Le vigneron que l’on rencontre est doublement courageux, ses ancêtres ont tenté, les vignes ont été décimées, et il reprend le travail des années après pour faire renaître les cépages emblématiques des Açores, quasiment disparus. Leurs noms, le Terrantez do Pico, l’Arinto dos Açores et le Verdelho. Filipe est amoureux de ses îles natales, de leur vin et de leur gastronomie qu’il veut à nouveau faire rayonner de par le monde. Depuis 2004, le paysage viticole de Pico est classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Nous dégustons au milieu d’un décor lunaire ces bouteilles où trône une petite carte plaçant avec fierté les Açores à mi-chemin entre l’Europe et l’Amérique, au centre du monde. Sentir la mer dans son verre. Après tout, c’est le seul endroit de la planète où des vignes poussent si proches de l’Océan. Et c’est justement ce qui lui donne tout son caractère. Le vin des Açores est courageux, osé, comme ses habitant.e.s venu.e.s s’installer sur d’anciens volcans perdus dans l’Atlantique.
« Nos os s’enfoncent dans les profondeurs de la mer » écrivait le poète açorien Vitorino Nemésio.
Ce vin naît, lui aussi, de ce défi éternel de l’Homme face à la nature.
Je me souviens…
De cette matinée en tête à tête avec les baleines à Pico. La veille, je n’ai presque pas fermé l’œil, assaillie par des peurs multiples. Celle d’avoir le mal de mer, d’être trop secouée, de perdre le contrôle. Et celle aussi, plus forte, de les manquer. D’être déçue. Que le miracle n’ait pas lieu. Nous prenons place avec nos cirés rouges de marins sur un Zodiac, assis à la queue leu leu sur des gros boudins de plastique. Et la chasse commence. Mais bien sûr, c’est purement pacifique. Aujourd’hui, notre seul souhait c’est de les apercevoir. Dès que le moteur démarre, je comprends que la balade ne va pas être de tout repos. Rencontrer des baleines, ça se mérite ! Ça secoue fort, le rivage s’éloigne, nous filons au ras de l’eau et les mouvements des vagues s’intensifient. Notre embarcation claque contre elles, le dos se crispe. Bien vite, on retrouve les Cagarros qui, en bonnes sentinelles, précédent notre embarcation et nous montrent la voie. Une nuée noire fourmillante. Notre guide dispose d’un appareil merveilleux qui lui permet d’écouter les ultra-sons émis par les cétacés. Scène insolite : le bateau s’arrête et penchée au ras de l’eau, elle sonde la mer.
L’attente. Qui en verra une le.la premier.ère ? Les faux espoirs ; ce n’est qu’une vague plus puissante qu’une autre. Notre petit groupe croit sans cesse discerner un jet caractéristique. Je ressens cette peur ancestrale, et on ne peut plus sensée, face à leur puissance. Et si elles décidaient de passer soudain sous notre Zodiac ? De nous renverser ? C’est que les profondeurs sont vastes en-dessous de nos corps. Je me souviens de la vidéo, impressionnante, du saut d’une baleine au nez d’un bateau, trempant tous.tes les passager.ère.s sur son passage.
Certains crient des indications, « là, y en a une à droite ». Le capitaine remet les gaz, accélère, cap sur la baleine. Nos regards se font plus intenses, ils se penchent, tendus vers les flots infinis. Le ciel et la mer se rejoignent. Et d’un coup, elle est là. Nous la repérons à ces jets puissants qui tranchent sur tout ce bleu. Nous la suivons quelques instants. Et puis « Oh ! », nos exclamations spontanées, arrêtées… Le temps suspend son vol. Elle, elle déploie sa queue et plonge. C’est cette image éternelle des films que j’avais gravée dans ma tête, que j’avais imaginée maintes fois sans pourtant la vivre, que je capture maintenant à jamais dans ma mémoire. Moment de flottement. Avons-nous bien vu notre première baleine ? Ou avons-nous rêvé ? Tout était si rapide. Et puis, en repérer vite une deuxième, une troisième et même un baleineau. Des cachalots, des rorquals. Certaines toutes proches de notre frêle embarcation, à quelques mètres à peine.
Revenir sur terre épuisé.e.s, avec l’impression de tanguer encore et encore, même sur la terre ferme.
Sans vous ça ne va pas durer très longtemps
Sans vous ça ne va pas durer très longtemps
Je me souviens…
Du Gin Tonic des marins. Après avoir foulé le sable noir de Capelinhos, cette terre toute neuve, émergée suite à une éruption au milieu de l’Océan, il y a seulement une soixantaine d’années, parcouru.e.s de frissons et d’interrogations – « Qui nous garantit que tout ne peut pas exploser à nouveau, là, comme ça, d’un coup ?« -, nous redescendons sur terre. Rendez-vous à Horta, escale célèbre et immanquable des marins du monde entier. On déambule le long des quais du port, Pico en face de nous, où chaque navigateur.rice passé.e par là a laissé sa trace en peinture. Cartes représentant le trajet parcouru ou les étapes à venir dans un tour du monde à la voile, noms des différents bateaux ou membres de l’équipage, baleines ou dauphins… Certain.e.s ont peint de véritables œuvres d’art. Le soleil se couche, c’est l’heure de rejoindre le Peter’s Café. Lieu de rendez-vous légendaire des navigateur.rice.s. Un bar perdu au milieu de l’Atlantique. On pousse la porte. À l’intérieur, on découvre des drapeaux et des fanions partout en guise de décoration, et de petites étagères en bois remplies de l’ivoire des cachalots, anciennes prises de chasse. Des conversations dans des langues variées arrivent à nos oreilles. Un accueil chaleureux, leur demeure devient la nôtre pour un soir. On commande d’office leur Gin Tonic, dont parle tous les guides. Il est si bon, que nous voilà déjà sans même nous en apercevoir à notre troisième verre, grisé.e.s par l’ambiance de la maison. Les langues se délient. On a comme l’impression de faire partie de quelque chose qui nous dépasse, d’une communauté de voyageur.se.s, de marins, de nomades qui ont maintenant foulés ces terres inconnues, mystérieuses. On a tous au fond une âme d’aventurier.ère, l’envie comme les grands navigateur.rice.s d’être les premier.ère.s à poser le pied sur un bout de cette planète. Les Açores, dans leur grande bonté, offrent aux voyageur.se.s cette impression d’être arrivé.e.s aux confins du globe.
Alors, on termine ce séjour au milieu des marins, des touristes et des aventurier.ère.s, comme nous, et l’on trinque à ce périple dans un autre monde. Ou peut-être, déjà, au prochain qui va suivre.
Pour moi, la première fois c’était il y a quatre ans, et vous voyez, je n’ai rien oublié.
2 réponses
Reportage très bien fait très belles photos commentaires superbes ça donne envie un seul regret j’aurais aimé avoir les recettes des plats photographiés.
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