9 février 2022

Post-partum et écriture, les Ateliers des Mères

Écrit par Juliette Mantelet

Le temps d’un ALLONGé

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Au lancement de Nous Fomo, j’ai rapidement publié le témoignage de Clothilde, une amie de 26 ans qui m’avait raconté en audio et de manière bouleversante son post-partum, solitaire. Cette absence de mots sur ses maux. En préparant ce sujet, j’ai découvert le compte Instagram merveilleux d’Alice Legendre, alors tout juste devenue la maman de Marthe, et intitulé efficacement, @AlicePostPartum. Tout de suite j’ai dévoré ses mots. Le premier post d’Alice que j’ai liké, il disait ça :

 

« On m’a dit, tu verras la douleur quand le bébé arrive, tu l’oublieras, on oublie son accouchement, on oublie son mal et on passe à maintenant. Je n’ai pas eu de douleurs pendant mon accouchement. Parce que c’était une césarienne programmée et que je n’ai pas eu mal, quelques touchers sourds et étranges, comme des mouvements silencieux, j’ai senti qu’on ouvrait mon ventre, j’ai senti qu’on était en train de me recoudre, j’ai surtout senti le petit corps de Marthe contre ma poitrine et mes larmes couler contre son visage, le front de Quentin contre le mien et cette chaleur folle, indescriptible, qui a envahi mon corps pourtant à moitié endormi, pourtant dans un bloc opératoire froid. On m’a menti. Je n’ai pas oublié mon accouchement, comment oublier, je ne l’ai pas remisé sur le côté, mon accouchement, le mien, dans toutes ses différences et ses similitudes d’avec les autres (…) »

 

 
 
 
 
 
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Je ne l’ai jamais oublié, et pendant l’année qui a suivi ce premier article, l’idée d’interviewer Alice a toujours trotté dans ma tête. Je continuais à lire assidûment ses posts, qui, j’avais l’impression, m’aidaient à me préparer de manière plus consciente et honnête à une potentielle future maternité. J’ai aussi été témoin de l’engouement grandissant pour les ateliers d’écriture qu’Alice propose aux mères, Les Ateliers des Mères, et surtout du bien qu’ils semblaient faire aux mamans. « Ces ateliers c’est le feu. Il fait fondre la glace dans laquelle j’ai cadenassé mes émotions pendant toutes ces années, il fait jaillir les mots, les larmes, ça coule, ça s’épanche, ça fait du bien à l’âme, tant de bienveillance et d’amour », écrit Anne après un atelier. C’est à mes yeux l’exemple criant de la puissance des mots pour guérir, panser les blessures, lutter contre la solitude. Alors on s’est enfin rencontrées pour en parler, un an après son accouchement, un an après l’événement qui a changé sa vie. On a discuté dans son canapé, avec Marthe à nos côtés, ses grands yeux expressifs, son sourire communicatif…

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bébé_maman_calin_famille

L’expérience de l’accouchement 

 

Avant d’avoir Marthe, Alice disait toujours qu’elle n’aurait pas d’enfant. Et puis, finalement, elle décide avec son compagnon d’en avoir un quand même. Pendant toute sa grossesse, elle ne se renseigne pas vraiment, juste le minimum quand elle a quelque chose qui lui arrive, au fur et à mesure, sur Internet. Marthe était en siège, la tête en-haut. On propose alors à Alice une manœuvre externe pour essayer de retourner son bébé. « C’est à ce moment-là que je me suis dit ouh la, il y a plein de choses en fait où je suis mise au courant au dernier moment et où je ne suis pas du tout assez informée. On m’a dit « il faut faire ça ». Et quand tu es enceinte et que les médecins te disent, « il faut faire ça », tu le fais », m’explique Alice, qui n’a pas supporté ça. Qui aurait aimé avoir le choix, connaître les alternatives. En plus, la manœuvre n’a pas marché, son bébé n’a pas voulu se retourner et Alice a alors décidé d’accoucher par césarienne programmée.

 

Alice suivait à cette époque, comme beaucoup de mères, des cours de préparation à l’accouchement, et quand elle a annoncé qu’elle allait accoucher par césarienne, on lui a dit tout de suite : « bon bah ça ne sert à rien que vous soyez là, c’est fini ». À  l’époque Alice n’a rien dit, elle a compris. Et même, elle pensait que oui, c’est vrai, par césarienne, ça n’est pas un vrai accouchement. Après son accouchement, qui se passe relativement bien, c’est « la claque ». « Je me suis rendu compte que je ne savais rien, je ne savais pas vraiment comment ça se passait, j’ai été très surprise par les douleurs que j’ai eues et je me suis demandé pourquoi on ne nous préparait pas à ça aussi. Je repensais à ce dernier cours de préparation à l’accouchement, et je trouvais ça absurde. On aurait dû m’apprendre ce que va faire l’anesthésiste, comment ça se passe dans un bloc, les douleurs que tu peux ressentir. Ça n’est pas juste on t’ouvre et on te recoud ».

 

« J’ai commencé à être vraiment en colère », décrit Alice. Mais elle doit en même temps faire face à des douleurs thoraciques intenses, gérer l’arrivée de Marthe. Et puis les douleurs ne partent pas. « C’était très dur pour moi de déterminer si c’était lié à la césarienne, ou si c’était autre chose. Mais je sentais quand même que c’était plus grave. » Le 6 janvier 2021, Alice subit une énorme crise, la douleur la prend dans le thorax, dans le dos… Elle ne peut plus respirer. Elle se rend alors à l’hôpital Bichat, celui où elle a accouché, elle voit un interne « pressé », qui lui fait un électrocardiogramme, qui est bon, puis lui dit de rentrer chez elle. Alors qu’elle souffre depuis plus d’un mois, et qu’elle a eu ce jour-là « l’impression de mourir ».

 

 
 
 
 
 
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Alice demande à faire d’autres examens. L’interne souffle, lasse, et lui rétorque : « Si vous tenez vraiment à rester huit heures ici pour faire une prise de sang vous avez le droit, mais je pense que ça ne sert à rien. » Alors Alice rentre chez elle, et les douleurs continuent. Elle voit d’autres médecins généralistes, qui lui ont tout dit… Qu’elle était constipée, qu’elle était stressée, que c’était normal, malgré son insistance. Elle retourne aux urgences, elle fait une échographie, un examen gynécologique complet, toujours rien. On lui donne des médicaments contre la constipation, on lui parle de crises d’angoisse… Mais Alice sait qu’il y a quelque chose d’anormal, « qu’on n’a pas des douleurs comme ça pour rien. » Alors elle ne lâche pas l’affaire. Elle continue à aller chez le médecin, elle insiste pour avoir une prise de sang. Enfin. Après un mois de douleurs.

 

Bien sûr, les résultats sont bizarres. On lui parle de pré-éclampsie post-accouchement, sans lui donner plus d’informations. On lui programme une échographie en urgence, d’autres prises de sang. Le soir, une médecin l’appelle avec les résultats et lui annonce de but en blanc :
« Vous faites une pancréatite, vous êtes hospitalisée demain. » On ne lui explique rien d’autre. Alors, forcément, Alice va regarder sur Google, et « n’est pas déçue du voyage ». Elle comprend vite qu’il est « possible » qu’elle meure. « Je me suis retrouvée dans une détresse très compliquée. J’essayais de ne pas inquiéter mes proches, mais tu as potentiellement mortel écrit noir sur blanc sur Internet, tu te dis que ça n’est pas possible ce qui t’arrive… » Alice est alors hospitalisée pendant dix jours, elle porte une sonde naso-gastrique, car elle ne peut pas se nourrir. Elle sort finalement de l’hôpital le 29 janvier, avec sa vésicule en moins, mais guérie. Elle apprendra plus tard que la pancréatite est quelque chose qui arrive potentiellement avec une césarienne programmée. Encore une fois, Alice ne comprend pas pourquoi on ne lui a pas dit avant, pourquoi aucun médecin n’y a pensé face à ses douleurs.
« Malheureusement je pense que j’étais une femme, je venais d’accoucher, ils se sont dit que je délirais, ou que j’étais stressée… »

 

 
 
 
 
 
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“ Je pensais à toutes les femmes enceintes, qui avaient accouché avant moi, et qui avaient dû aussi ressentir cette solitude prononcée ”

Les mots en feu

 

Alice a toujours beaucoup écrit. Même à l’hôpital, pour sa pancréatite, son conjoint lui amène son petit carnet et elle note des trucs « pour se souvenir« . « Je notais quand est-ce qu’on venait me voir, les médicaments, ce que me disaient les gens et je me suis rendue compte que ça me faisait vachement de bien, pour me poser un peu et pour pas que ça soit le flou total, parce que je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait. » En rentrant chez elle, elle est en colère, et ressent une certaine solitude, malgré un entourage très présent. « J’étais seule dans mes expériences et je trouvais ça hallucinant. Je pensais à toutes les femmes enceintes, qui avaient accouché avant moi, et qui avaient dû aussi ressentir cette solitude prononcée. » Elle écrit alors de petits textes courts sur son compté privé Instagram. Elle écrit pour se souvenir, pour se poser, remettre les choses en place dans « le tourbillon de la maternité ». « Il y a vraiment cette idée d’évacuer, ça permet de poser quelque chose quelque part et d’en prendre conscience et de moins le ruminer. Sur ma maladie et sur ce qu’il s’est passé, plus je l’écris et plus je l’aborde calmement. » Et puis, un jour, c’est l’impulsion, pendant une sieste de Marthe. Il y a un an tout pile aujourd’hui.

 

« Elle faisait une sieste, et je me suis dit, vas-y j’écris un texte sur Instagram, sur un autre compte, pour raconter ce qui m’est arrivé, peut-être que ça servira à d’autres femmes. »

 

D’abord suivie uniquement par ses ami.e.s, les partages se font rapidement de plus en plus nombreux, les mamans commencent à arriver sur le compte, à relayer. Alice échange avec elles. Sur son nouveau compte Instagram @AlicePostPartum, elle indique qu’elle est « animatrice d’ateliers d’écriture », c’est sa formation. Juste avant le début de la pandémie, elle avait commencé à animer des ateliers avec les enfants. Un jour,  une maman la contacte alors en lui demandant si elle en organise en ce moment. Alice répond négativement, mais l’idée commence à lui trotter dans la tête. « Je me suis dit, peut-être que je pourrais faire des ateliers d’écriture pour les mamans. Pour qu’on parle, pour être entre personnes concernées… »

 

La naissance des Ateliers des Mères 

 

Alice commence les Ateliers d’écriture en très petit comité, avec 4 ou 5 personnes. Elle lance ça comme ça, « pour voir », avec les mamans avec qui elle parle et qui la suivent. La première fois, elle est très stressée, elle cherche comment annuler jusqu’au dernier moment…

 

« Et en fait ça s’est passé, et c’était fou. Il y a vraiment eu tout de suite une cohésion entre les mamans, qui se sont livrées hyper rapidement, c’était tout de suite des textes très intimes. Je ne pensais même pas que c’était possible que ça soit si évident dès la première fois. En sortant de l’Atelier j’ai dit à mon compagnon, c’est sûr, c’est ça que je vais faire. » Elle a continué, persévéré et ça a pris. Alice est aujourd’hui suivie par plus de 5 000 personnes sur Instagram et organise plus d’une vingtaine d’ateliers d’écriture en ligne par mois sur des thèmes variés, « écrire mon corps », « ma colère », « sorcières de la nuit », « lettre à mon enfant », « brûler » et également des stages sur plusieurs jours. Avant réservés exclusivement aux mamans, depuis le mois de février certains ateliers sont maintenant ouverts aux femmes sans réserve. Et bientôt, un stage aura lieu pour la première fois en chair et en os.

 

Dans ces ateliers qui se déroulent via Zoom, neuf femmes se retrouvent pour écrire pendant 1h30. Les mamans s’y mélangent sans distinction, entre celles qui viennent d’avoir leur bébé et d’autres dont les enfants ont déjà quitté la maison. Alice commence par lire des extraits, qu’elle sélectionne très majoritairement dans des œuvres de femmes. Elle leur fait aussi écouter parfois des passages de podcasts. Elle précise surtout que ça n’est pas pour “écrire à la manière de”, mais plutôt pour ouvrir des pistes de réflexions. À partir de ces lectures et extraits, Alice donne une ou plusieurs consignes d’écriture. Après vingt minutes d’écriture, chacune de leur côté, elles se retrouvent pour la lecture, chacune leur tour. Elles sont libres de réagir ou non, de laisser aller leurs émotions, d’entamer des discussions…

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L’armée des mères

 

Alice me raconte comment, en tant que mère, tu passes ton temps à te justifier. Tu t’excuses d’être épuisée, de rêver de partir un mois en solitaire, de regretter parfois d’avoir eu un bébé… Tu dois prouver sans cesse que tu es une bonne mère, que tu aimes ton enfant. C’est ce que décrit aussi Illana Weizman dans son indispensable essai sur le post-partum. Et c’est justement là qu’interviennent les Ateliers d’Alice. Ils sont un lieu magique, dédié uniquement aux femmes et à leurs ressentis, un lieu dénué de toute justification. 

 

« Ce qui est fou dans un atelier d’écriture, et ce que me disent les mamans, c’est que parfois tu viens avec presque l’idée de ce que tu vas écrire, comme j’annonce les thèmes, alors qu’en fait la lecture des textes, les consignes, génèrent des choses dont parfois tu n’avais même pas encore conscience, tu ne savais pas que c’était là, que tu avais besoin de le sortir. C’est fou. Mais elles me disent toutes aussi que ce qui est fabuleux, c’est d’écouter les autres mères. Parce que même si ça n’est pas les mêmes expériences, il y a vraiment un effet : “ah mais je ne suis pas toute seule, quelqu’un d’autre a ressenti ça donc je ne suis pas anormale. Dire : je n’en peux plus, je suis épuisée, je ne veux voir personne, la fatigue c’est une torture, je n’ai pas aimé mon bébé tout de suite, je regrette d’avoir fait un enfant, j’en ai marre… Et aussi exprimer l’amour fou que ça peut être, qui est difficile à expliquer à quelqu’un qui n’a pas d’enfant. Un espace où tu peux dire tout ça sans devoir te justifier. Dans les Ateliers, il n’y a plus besoin de justification, ce qui est, je pense, très libérateur. »

 

C’est la force du collectif. Et ce que raconte Flore, une des participantes régulières des ateliers : « Quand j’ai commencé à participer aux Ateliers des mères organisés par Alice, j’étais remise de ma première année de mère, mais j’avais besoin de partager. Et c’est ce que les ateliers m’ont ouvert : un espace sorore et safe où tous les mots sont acceptés, tous les maux sont entendus sans jugement et de façon bienveillante. Le soulagement de découvrir par l’écriture et la rencontre des autres mères que l’on n’est pas seule, que l’on est ensemble. »

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“ On a toutes quelque chose à dire et on a notre place ”

L’importance de la parole libérée, entendue, écoutée

 

Alice offre aux femmes et aux mères dans ses ateliers une heure et demi de liberté. « C’est une activité que tu fais pour toi, et qui n’implique personne d’autre dans ta famille ». Virginia Woolf, autrice du célèbre essai Une chambre à soi, ne pourrait qu’approuver. Quand on est une femme, et encore plus une mère, il est très rare d’avoir ce temps, cet espace rien qu’à soi. Alice continue :  « Dans les Ateliers, il y a ces sept minutes de lecture de textes, où personne ne va parler et où tout le monde va t’écouter, où ta parole ne sera pas coupée. Il y a vraiment ce temps d’écoute là où personne ne fait rien d’autre que d’écouter vraiment. Et dans la vie ça, c’est très rare. Et c’est vraiment ça que j’avais envie de créer dans les Ateliers d’écriture, c’est ça qui m’avait fascinée dans mes études, parce que j’avais l’impression que ça n’existait pas ailleurs. » Ses mots me rappellent une des scènes finales de la fantastique série Maid sur Netflix. Quand l’héroïne, Alex, anime un groupe d’écriture, bulle de bienveillance dans le quotidiens d’un foyer pour femmes victimes de violence. Elle explique l’importance pour elle d’écrire, pour comprendre ce qu’elle ressent, et parvient par les mots à faire jaillir les émotions, larmes ou rires, chez ces femmes victimes, démunies, qui prennent ce temps pour panser leurs blessures.

 

« J’ai découvert la sororité avec les Ateliers des Mères »

 

Alice est le témoin ému de cette sororité virtuelle qui se crée entre les mères et se prolonge souvent en dehors de l’écran, par des rencontres, des discussions. Elles rompent ainsi durablement la solitude de nombreuses jeunes mères, renforcée par la crise sanitaire. Et dans l’heure et demie que dure les ateliers, jamais de tension, de disputes, de critiques ou un mot plus haut que l’autre. « Je suis convaincue qu’on nous apprend plutôt à être rivales qu’à être sorores. Je n’ai pas créé les ateliers en me disant qu’on allait faire de la sororité,  mais en fait ça s’impose et c’est ça qui est hyper beau. Tout le monde se rend compte que c’est bienveillant et qu’il n’y a vraiment aucun jugement. C’est fou de voir ça quand on se rend compte qu’on a été tellement jalouses de nos copines ou d’autres filles qui étaient mieux foutues que nous. Qu’on nous a vraiment appris comme ça à plaire aux hommes, à se construire par rapport au regard masculin, ce qui forcément nous met en rivalité. En Atelier, il y a une écoute et un vrai soutien, ensuite, entre les mamans. Et moi-même j’ai découvert la sororité avec les ateliers et grâce aux mamans. Ce terme de sororité est très intéressant, il y a des femmes qui disent qu’on ne peut pas être sœurs avec toutes les femmes, et je suis d’accord mais en tout cas ce qui est très beau à voir, c’est que ça existe quand même et qu’en fait on peut être entre femmes sans tous ces fantasmes de crêpage de chignons. Pas du tout. Il y a une admiration commune entre les femmes qui est très belle à voir, elles sont impressionnées et sincères. »

 

Quand je demande à Alice ce qu’elle dirait aux femmes qui se sentent illégitimes dans l’écriture, elle me répond sans hésiter que jusqu’à présent, « il n’y a jamais eu de page blanche ». Et m’explique que le travail en amont et les consignes sont là pour ça, c’est ce qu’elle répond aux nombreux messages qu’elle reçoit de mères qui s’inquiètent et pensent être incapables d’écrire. « Les consignes permettent vraiment de donner une impulsion, c’est une petite marche sur laquelle s’appuyer pour partir. Je pense que tout le monde est capable d’écrire et je pense que ce qui est important à dire, c’est que dans les ateliers on n’est pas là pour écrire bien, ou dire si c’est beau, revenir sur le style, on n’en a rien à faire. Ce n’est pas le propos. On écrit toutes différemment, on a toutes quelque chose à dire, et on a notre place. »

 

Ce que fait naître Alice c’est « une réappropriation collective du corps et des expériences, des ressentis féminins et pluriels de la maternité », si souvent niés, tus, minimisés. Et c’est en ça que ses ateliers d’écriture sont politiques et puissants. Flore confirme : « La force des ateliers c’est qu’ils sont construits sur des textes inspirants qui ouvrent de nouveaux champs de réflexion féministes, et que nos esprits en sortent nourris. Finalement, quand on entend ces mères, on en sort sœurs, mais surtout on prend conscience grâce à cet espace du versant éminemment politique du sujet. » Alice souligne l’importance de la trace écrite. « Le fait qu’ils puissent y avoir des traces des textes, que les gens puissent les lire, et que ça ne soit pas que des personnes concernées, c’est ce qui m’intéressait aussi dans les Ateliers d’écriture. Je crois que c’est important aussi que les gens le lisent, sachent que ça existe et que les mères ont plein de choses à dire. Je pense que c’est vraiment bien qu’elles publient leurs textes et j’aimerais vraiment sortir ce livre où il y aurait des extraits de leurs textes, parce que ça montre aussi que les mères peuvent écrire, dire des choses, créer. Je pense que c’est l’un des moyens pour que des changements concrets puissent arriver dans le suivi médical, politiquement. »

 

Elvire Duvelle-Charles, fondatrice du compte Instagram Clit Revolution, écrit dans son nouvel essai Féminisme et Réseaux Sociaux – Une histoire d’amour et de haine, « Les mots ont leur importance. Ils forment la matière à partir de laquelle nous pensons le monde et ils façonnent nos imaginaires. S’ils peuvent être blessants, ils peuvent également nous guérir. » Et cite Chloé Delaume, « Le langage a toujours été une chasse gardée. Qui possède le langage possédera le pouvoir. » Alice, elle, conclut notre rencontre ainsi : « Quand c’est écrit, quand c’est publié, quand il y a autant de mères qui l’écrivent, on ne peut plus ignorer. » À vos mots !

 

 

 
 
 
 
 
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Pour vous inscrire aux Ateliers d’Alice, vous pouvez lui envoyer un petit message  directement sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/alicepostpartum/

Les coups de <3 d’Alice

 

  • Peau, à propos de sexe, de classe et de littérature, Dorothy Allison. C’est un recueil de plusieurs textes de Dorothy Allison, publiés dans des livres, des journaux et des revues. J’ai lu ce livre enceinte et j’ai été subjuguée. Par la force politique du propos, par la beauté de chaque phrase, par l’incroyable justesse des analyses. Elle parle de classe sociale, de pauvreté, du fait d’être lesbienne. Elle parle aussi, et la lecture peut-être rude, d’inceste, de violence, de maltraitance. Et de littérature comme personne. De la nécessité de la littérature, du pouvoir de la fiction et de la lecture. Je n’avais jamais lu quelque chose de semblable et je me suis demandée pourquoi je ne connaissais pas déjà tout de Dorothy Allison. Alors j’ai lu tout ce qui était disponible. Et il faut tout lire de Dorothy Allison, c’est nécessaire et d’une beauté rare. 

 

  • Aux endroits brisés, Pauline Harmange : c’est mon dernier coup de cœur en date. Je lisais déjà depuis quelques temps la newsletter de Pauline Harmange à laquelle je suis abonnée, Un invincible dimanche, et c’est la joie chaque semaine de la recevoir. J’ai lu Aux endroits brisés alors que j’étais isolée avec le Covid et je me suis plongée dedans comme on plonge dans les romans bonbons. Je l’ai lu en deux jours, je ne pouvais plus le lâcher. Pauline Harmange écrit la fiction à merveille. C’est drôle. C’est dur. Je crois que n’avoir jamais encore lu un livre qui parle aussi bien de solitude et de ce qu’est qu’apprendre à vivre à nouveau. 

 

  • Lettres aux jeunes poétesses : un recueil de textes de plusieurs autrices. Très important à lire pour toutes. Celles qui voudraient écrire. Celles qui écrivent. Celles qui n’écrivent pas. C’est la littérature vue d’un point de vue féministe. C’est ce que c’est d’écrire quand on est une femme. 

 

  • Un compte à suivre (Instagram) : celui d’Illana Weizman. Son point de vue de sociologue  et de militante à propos de la maternité me semble primordial. Ses analyses sont toujours justes et ça fait très souvent boum dans mon cerveau. Je conseille aussi très vivement son livre, Ceci est notre post-partum

 

  • Un autre compte à suivre (Instagram) : celui de Nanténé Traoré : j’adore son travail photographique et c’est un écrivain grandiose dont j’aime chaque texte. Son livre La nuit t’arrache à moi sort bientôt et j’ai une grande hâte de le tenir entre mes mains.

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Écrit par

Juliette Mantelet

Photos par

Alice Legendre

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