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Juliette Sananes nous a déclaré dans cette nouvelle Tribune son amour pour la série Sex Education. Et plus précisément, elle y décrypte l’importance de cette série pour la genZ, et sa nécessité afin qu’elle accède enfin à d’autres représentations pour mieux se construire.
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“ Dans Sex Education, c’est aussi simple que ça : tout est ok puisque tout existe. ”
Il y a des séries qui marquent davantage que d’autres. Des séries qui, à chaque épisode, nous font apprendre, grandir. Sex Education est définitivement l’une d’entre elles, au point qu’elle en est devenue la série de notre génération.
Un véritable décalage s’opère chez notre jeune génération, tiraillée entre un besoin de voir des productions inclusives, « réelles », et certaines productions cinématographiques actuelles qui ne remplissent – toujours – pas ces critères. La preuve : pas plus tard que la semaine dernière, sortait le film Eiffel, qui met en scène une femme 22 ans plus jeune que son partenaire (d’ailleurs jouée par Emma Mackey, âgée de 25 ans, l’héroïne de Sex Education), une représentation qui exclue encore la femme une fois les 30 ans passés alors qu’elle valorise la figure de l’homme mûr. En plus, dans « la vraie vie », Gustave Eiffel et Adrienne Bourgès n’avaient que 10 ans d’écart. Sur la question de l’âgisme dans notre société, je vous invite d’ailleurs à découvrir l’essai passionnant, autant qu’édifiant, « Qui a peur des vieilles ? » de la journaliste Marie Charrel.
À l’inverse, Sex Education correspond enfin pleinement à notre temps. Noirs, blancs, minces, gros, handicapés, valides, vieux, jeunes, lesbiennes, gays, hétéros, non binaires, asexuels, d’origine latine ou bien indienne… Biberonnée au male gaze et au white gaze, notre génération avait grandement besoin de voir ces représentations renouvelées.
C’est simple, toutes les sexualités, tous les corps, tous les fantasmes sont montrés. Et parce qu’ils sont montrés, ils deviennent valides. Par exemple, si demain votre date Tinder vous avoue qu’il fantasme sur les aliens, vous ne trouverez plus ça si étrange maintenant que vous avez rencontré le personnage de Lily, et que vous l’avez vue en être fière. Peut-être même que ce date a osé vous le dire parce qu’il a compris que ça n’était pas plus étrange qu’un autre fantasme depuis qu’il a vu tous les élèves de Moordale, lycée de la série, l’accepter.
Autre exemple, à des années lumière des convictions de Maeva Ghennam, la série nous rappelle que toutes les vulves sont belles puisque toutes les vulves existent.
Dans Sex Education, c’est aussi simple que ça : tout est ok puisque tout existe.
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“ Je suis donc je m’aime ; un point c’est tout. ”
Ce changement culturel, il est là. En nous rappelant notre diversité, les personnages nous libèrent des normes dictées jusqu’alors. Fini le culte de la minceur, de l’épilation ou de l’hétérosexualité, fini le supposé beau et le supposé moche. Les défauts physiques et physiologiques que nous nous trouvions avant la série sont laissés au placard. Je suis donc je m’aime ; un point c’est tout. Sex Education nous fait accepter notre corps, nos convictions, nos ressentis, nos doutes et nous fait nous aimer. Rien que ça.
Maeve et Otis, par les conseils qu’ils donnent à leurs camarades, sont ces enseignants qu’on attendait tant. Cette personne plus expérimentée qui nous apprend ce qu’il faut faire, cette personne bienveillante qui nous dit de nous faire confiance, cette personne à qui l’on peut toujours parler sans peur du jugement. La série nous montre un apprentissage de la sexualité qui se fait avec des doutes et des réussites. Un modèle de l’éducation sexuelle de demain. Qui contraste avec les quelques malheureux cours d’éducation sexuelle que nous avons pu avoir (si nous en avons eu), très théoriques, toujours gênants. Loin, très loin, des échanges proposés par Maeve et Otis, qui vont au-delà de la sexualité pure, et tournent plutôt autour des ressentis, des émotions de chacun.e, de la confiance en soi.
Pour nous éduquer sexuellement, nous sommes habituellement livrés à nous-mêmes. Nous sommes supposés savoir tout faire, tout de suite, avec des connaissances dictées par le porno que nous trouvons à portée de main. Avec Sex Education, nous prenons conscience que c’est un vrai sujet à découvrir tout au long de la vie. Le rôle de cette série est d’autant plus important lorsqu’on sait que le sexe peut être à la base de beaucoup, notamment l’épanouissement personnel et l’épanouissement des relations. En brisant ce tabou de l’éducation sexuelle, la série légitime ce processus et le valorise. Quoi de plus accepté socialement aujourd’hui que d’apprendre à se connaître et à trouver son plaisir quand on voit l’augmentation de la vente de sextoys ? Quoi de plus accepté socialement aujourd’hui que d’apprendre à connaître l’autre lorsqu’on voit l’explosion des comptes sexo sur Instagram et leur succès, à l’image de celui de Jouissance Club ?
Le chemin est encore long, surtout quand on sait qu’à la rentrée 2017 seulement un manuel de SVT sur 8 représentait correctement le clitoris, et qu’en 2019 encore 11% des lycées n’avaient pas mis en place les séances d’éducation sexuelle, pourtant obligatoires depuis 2001. Mais les choses avancent, quand même. D’autres « manuels », plus inclusifs, voient le jour. Adieu Le Dico des Filles. Sur le sujet, Nous Fomo vous conseille l’excellente BD féministe « À corps et à cris » d’Eve Cambreleng ou encore, bien sûr, « Corps, amours, sexualité. Les 100 questions que vos enfants vont vous poser », écrit par Charline Vermont, la créatrice du compte Orgasme et Moi. Et même Netflix s’y est mis, en publiant son Petit Manuel Sex Education à l’occasion de la sortie de la saison 2 de la série, illustré par la photographe belge Charlotte Abramow. Il est d’ailleurs disponible gratuitement en version numérique.
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“ Sex Education est à la genZ ce que Friends est aux millenials ”
Par les représentations qu’elle donne à voir, Sex Education nous fait nous accepter. Elle légitime nos envies, nos doutes et nos peurs. Elle nous fait nous poser les bonnes questions et sait nous donner les conseils dont nous avons besoin. À chaque épisode, c’est une partie de nous qui grandit un peu plus.
Chaque public a été marqué par une série différente selon les âges. Sex Education est définitivement à la genZ ce que Friends est aux millenials. Les six personnages de Friends mûrissent au fil des saisons, et nombreux sont ceux qui ont mûrit avec eux. Parce qu’ils changent, comme ceux qui les regardent, ils les ont accompagnés dans leur propre évolution. Pourtant, à l’inverse de Sex Education, tous.tes n’ont pas pu grandir avec Friends du fait de son manque de diversité à l’écran, avec ses personnages exclusivement blancs et hétérosexuels. Le podcast A.M.I.E.S de Slate en parle d’ailleurs très bien et nous fait réaliser le chemin parcouru et l’évolution des mentalités. Les nouvelles séries Netflix l’ont bien compris : pour que tous puissent se sentir bien dans leur peau, tous doivent être représentés. Et c’est sûrement ce qui explique le succès de Sex Education, qui cumula plus de 40 millions de vues dans son premier mois de présence sur la plateforme.