Lisez Tenir debout dans la nuit et surtout, lisez-le à vos enfants, vos neveux et nièces, vos petits frères et petites sœurs… Dans ce roman, Éric Pessan aborde avec force toutes les problématiques actuelles et brûlantes : le féminisme, le harcèlement sexuel, le viol, le consentement. Il offre un soutien à toutes les femmes qui se battent, un hommage à la parole qui se libère, à la parole enfin entendue.
C’est peut-être avec un roman comme Tenir debout dans la nuit que l’on arrivera à faire comprendre aux plus jeunes quand il est encore temps, quand ils ne sont pas encore formaté.e.s par les codes de notre société patriarcale ou abimé.e.es par la culture du viol, l’horreur de certains comportements et surtout, les différences qui existent au quotidien entre la vie d’une fille et celle d’un garçon, en vue de les réduire. La première page du livre s’ouvre sur ces mots puissants, et sur cette colère : « Une colère contre le monde entier où, à de rares exceptions près, il vaut mieux être un homme qu’une femme, où une femme ne sera jamais écoutée comme un garçon est entendu, où une femme est une proie et un homme, un prédateur ». Une colère des femmes à laquelle Éric Pessan donne un écho.
L’héroïne de ce roman c’est Lalie. Elle n’est jamais allée à New York, elle n’a même jamais voyagé, mais elle rêve plus que tout de découvrir cette ville. Alors quand son ami Piotr lui propose de l’accompagner là-bas, où sa mère se rend pour le travail, elle n’hésite pas une seconde et met tout en œuvre pour obtenir la permission de s’y rendre. Et la voilà dans l’avion. Mais vite, les deux adolescent.e.s se retrouvent seul.e.s dans l’appartement loué pour eux. Et c’est alors que tout dérape. Piotr tente de commettre l’irréparable, l’impensable… Une tentative de viol. Lalie devient alors une victime. Elle s’enfuit, et démarre alors une nuit d’errance dans New York. Mais un New York sans cliché. Le New York de Gossip Girl n’existe pas, arrêtons d’édulcorer. Comme Lalie avec son appareil, Éric Pessan capture le vrai New York, « un monde qui laisse pourrir les hommes dans les rues « , une ville remplie d’injustices, de paradoxes.
Et à travers cette nuit sans fin qui permet aux lecteurs de naviguer dans le flot intérieur des pensées de Lalie, exprimé subtilement à la première personne, de parcourir son enfance, marquée par les inégalités, l’auteur met au grand jour avec justesse et sincérité tous les travers de notre société.
Cette société où à l’école, on arrête de porter des jupes à cause des réactions des garçons, cette société où les femmes se font toutes petites quand elles croisent une bande de mecs dans la rue, cette société où l’on s’excuse toujours, où l’on se remet en cause, même face à une tentative de viol, cette société où l’on n’est pas entendues, où l’on ne nous croit pas, où même la police décourage les femmes de porter plainte, où l’on banalise les violences sexuelles faites aux femmes…
« Je ne sais pas si la faute revient à la longue histoire de la domination masculine, à la famille, à la religion, à la société. Les filles passent une grande partie de leur vie à se protéger de la stupidité violente et vulgaire des garçons. Sans doute aurait-il fallu que, dès leur petite enfance, les garçons aient entendu autre chose que ça n’est pas grave, à cet âge-là, ils jouent ». Derrière cette phrase de Lalie se cache le questionnement de tous.tes ceux.celles qui cherchent à réinventer notre société. Et plus je lisais ce roman prêté par ma mère documentaliste, plus je me disais que c’est en proposant de tels livres aux jeunes générations que les choses allaient peut-être enfin changer. Je suis heureuse de savoir que ce roman occupe les C.D.I. J’aurais aimé, plus jeune, avoir dans les mains un tel roman.
Et puis, je me suis demandé pourquoi la littérature jeunesse ne devrait être lue que par la jeunesse. Cette question qui ne m’a jamais paru aussi pertinente qu’avec Tenir debout dans la nuit. Car non seulement il peut être lu par tous, mais surtout il doit être lu par tous. Les hommes comme les femmes. À sa lecture, les jeunes filles se sentiront plus fortes. Elles oseront dire non, elles pourront analyser ce qui leur arrive, en parler autour d’elles. Parce qu’en même temps qu’il dénonce les mécaniques problématiques de notre société, l’auteur célèbre le courage de toutes les femmes qui s’opposent à des siècles de patriarcat et osent l’ouvrir, chambouler les modèles. Les adultes comprendront qu’ils.elles ont eux.elles aussi un rôle à jouer, en écoutant, en ne minimisant pas, en posant les bonnes questions.
Tenir debout dans la nuit est une recommandation aussi nécessaire pour les jeunes en construction que pour les adultes en déconstruction. Éduquons autrement, pour que celleux qui viennent après nous n’aient justement plus, elles.eux, à se déconstruire. Élevons une relève plus éclairée, plus humaine et plus égalitaire. Donnons à la génération qui arrive toutes les clefs pour changer le monde.